Des  analyses sur l'Inde face à l'invasion russe en Ukraine et ses conséquences : Elles nourrissent une réflexion plus générale sur la manière d'aborder le conflit et les dangers de la désinformation et sur ses conséquences.

Juin 2024 : Extrait audio d'une conférence  de Christophe Jaffrelot le 5 Juin sur les résultats des élections indiennes

Ce podcast reprend un extrait de quelques minutes de la conférence de Christophe Jaffrelot qui s’est tenue le 5 juin dernier autour de l’analyse des élections législatives. Le politiste répondait à une question de l’auditoire sur les relations entre la Russie et l’Inde. 

Cet extrait apporte un éclairage intéressant,  avec le recul de quelques mois et après la visite de Modi à Poutine puis en retour à Kiev, peut être devant le l’impact négatif qu’avait eu cette visite à Moscou dans le monde occidental et en particulier aux USA  . 

Dans un entretien au magazine l’Express en août dernier Christophe Jaffrelot avait d’ailleurs souligné un peu à contre courant , combien l’Occident prenait des risques à tout miser sur l’Inde.

Le  magazine avait titré “ l’Occident a signé un chèque en blanc à l’Inde"  car pour lui , la visite récente de Narendra Modi en Russie était une nouvelle preuve de la cyclothymie diplomatique du Premier ministre indien. Une imprévisibilité dont l’Occident devrait se méfier !

Ecouter l'extrait audio


Avril 2023 : lettre des Forums France Inde  

Inde/Russie : derrière le boom commercial, un partenariat menacé ? 


Au motif que le conflit en Ukraine est un problème européen et que sa population ne peut en pâtir, New Delhi revendique son droit à développer les échanges avec Moscou. Mais l’enthousiasme affiché cache des inquiétudes de long terme sur la longue relation de l’Inde avec la Russie

Expatrier des Indiens en Russie pour combler le manque de main d'œuvre lié à la guerre. C’est une des dernières perches tendue cette semaine par Moscou à New Delhi. “Pourquoi pas, l’Inde manque de terres agricoles et la Russie manque de travailleurs”, juge Nandan Unnikrishnan, expert auprès de l’Observer Research Foundation à New Delhi, spécialiste de l’Espace Post Soviétique. En 2022, l’Inde et la Russie ont échangé pour plus de 32 milliards d’euros de marchandises. Un record, deux fois et demi plus élevé qu’en 2021. Une somme largement liée à la vente de pétrole bon marché à l'Inde par Gazprom.


Les deux pays cherchent désormais à diversifier et équilibrer leurs échanges. En ce mois d’avril, le Forum « dialogue commercial Inde-Russie » s'est achevé à Delhi avec la participation de grandes entreprises des deux pays. Denis Manturov, Ministre Russe de l'industrie et S. Jaishankar, ministre Indien des affaires étrangères, ont “convenu de libérer le potentiel de leurs échanges, en s'attaquant aux problèmes de déficit commercial et d'accès aux marchés”.


“Nos échanges avec la Russie sont limités par rapport à l’Europe et doivent être développés”, a déclaré en décembre S. Jaishankar, refusant que l’on fasse la leçon à son pays. “Le potentiel pour l’Inde est énorme pour le secteur pharmaceutique ou la culture de thé ou les produits phytosanitaires” abonde Nandan Unnikrishnan. A l’image de la diplomatie indienne, le chercheur, juge légitime ce rapprochement avec l’ennemi juré de l’Occident. “Ce conflit est le fruit de conflits européens non résolus depuis l’URSS. L’Inde, pays en développement, le condamne mais sa population ne peut en payer le prix. Et puis l’Europe achète bien du pétrole aux Russes indirectement via nos raffineries.” 


Pour faciliter ces transactions florissantes et contourner le dollar, Moscou et New Delhi ont décidé de cheminer vers des échanges en roupies-roubles. L’Inde a ouvert sur son col plusieurs comptes dits « Vostro », que les banques russes peuvent utiliser pour facturer en roupie sans passer par le dollar. Les deux pays veulent désormais harmoniser leurs systèmes bancaires (Mir pour la Russie, et RuPay pour l’Inde). “Cela va prendre du temps car les économies Russes et Indiennes fonctionnent différemment”, précise Nandan Unnikrishnan. Les rencontres se multiplient et Moscou fait régulièrement part de son impatience. 


Jusqu'où se rapprocher ? La question se pose encore plus fort depuis la publication fin mars d'une nouvelle stratégie de politique étrangère par la Russie. L’occident y est désigné comme une “menace existentielle” et dans cette croisade, la Russie propose à la Chine et l’Inde de la rejoindre. Bien que de façon vague, le ministère des Affaires étrangères Chinois a accusé réception. “Alors que le paysage international est confronté à des changements profonds, nous sommes prêts à renforcer la communication avec la Russie et l'Inde, pour envoyer un signal au monde”, a déclaré son porte-parole Mao Ning, début avril. 


De son côté, l’Inde semble embarrassée, pour le moins silencieuse. “Dans sa stratégie de politique étrangère, la Russie a décrit la Chine et l'Inde comme ses deux alliés”, explique dans The Indien Express Shyam Saran, ancien diplomate et Président du Conseil consultatif de la sécurité nationale. “Or, la Chine fait un lien entre l’Ukraine et Taiwan. Imaginer l’Inde soutenir un tel bloc est un vœu pieux.” La Chine et l’Inde s’affrontent par ailleurs le long de leur long frontière himalayenne. Dernier incident : la publication début mars de nouveaux noms de villages par Pékin… Situé dans l'État Indien de l’Arunachal Pradesh. “Ces noms inventés ne changent pas le fait que ces villes sont partie inaliénable de notre territoire”, a réagi New Delhi, jugeant que la tension militaire restait “très élevée”.


En réalité, New Delhi ne peut que s'inquiéter du rapprochement Russie-Chine. “Lors  de sa visite d'État en mars, Xi Jinping a promis à la Russie un "partenariat sans limites" avec "aucun domaine de coopération interdit”, rappelle Shyam Saran, qui alerte sur “une influence chinoise étendue au point de diminuer le rôle de la Russie et de marginaliser la présence de l'Inde en Asie”. Si les nationalistes hindous n’hésitent pas à taper sur les pays de l’Ouest lors qu’ils commentent leurs dérives autoritaires, pas question pour l’Inde de rejoindre la triple alliance contre l’occident et ses “pseudo-humanistes et néolibéraux” portée par la Russie. “Jamais l’Inde n'adhère à un discours aussi agressif”, avance Nandan Unnikrishnan pour expliquer la fin de non recevoir de New Delhi. 

 

Au-delà du lexique, l’Inde ne peut tout simplement pas tourner le dos à ses principaux partenaires commerciaux. En 2022, l’Europe et les Etats-Unis ont pesé à eux seuls pour plus de 200 milliards d’euros d’échanges. Soit sept fois plus que la Russie. Si les échanges avec la Russie ont connu un bond, c’est aussi qu’ils ont toujours été principalement limités a la vente par Moscou de matériel militaire à l'armée Indienne, vieille comme l’URSS. Or, l’India Air Force n’a pu que constater l’incapacité récente de la Russie à honorer ses livraisons à cause de son engagement sur le front Ukrainien et des sanctions.  


Symbole de la guerre d’influence en Inde entre l’Occident et Moscou, Emine Dzhaparova, vice-ministre des Affaires étrangères ukrainienne , est elle aussi venue en Inde en ce mois d’avril. Objectif : convaincre le gouvernement Modi d’apporter un soutien plus franc à l'Ukraine. Sachant la tâche difficile, elle a tenté de caresser l’Inde dans le sens du poil. “Je suis heureuse de visiter la terre qui a donné naissance à de nombreux sages, saints et gourous” a-t-elle tweeté après son atterrissage. 


Consciente de la relation entre l'Inde et la Russie, l’envoyée de Kiev a choisi lors de ses rencontres officielles d’insister sur les valeurs démocratiques et spirituelles de l’Inde… pour pointer en creux des contradictions. “L’Inde au G20 veut être un gourou mondial. Un gourou vient au secours des agressés, pas des agresseurs”, a-t-elle ainsi lancé. Dzhaparova a tenté de donner une résonance mondiale au conflit devant le corps diplomatique Indien, qui le réduit souvent à un “problème européen”. Elle a ainsi affirmé “partager l’inquiétude envers les voisins hégémoniques tels que la Chine ou le Pakistan.” Ou la Russie, pour ne pas la nommer. 


“L’Inde ne peut résoudre aucun problème sans développement et continuera donc à échanger avec la Russie en 2023”, estime Nandan Unnikrishnan. Comme l’a montré la présidence indienne du G20, qualifiée de “fantastique” par Moscou, New Delhi ne devrait pas non plus lâcher la Russie devant les institutions internationales. Pour garder son indépendance, l’Inde sait néanmoins qu’il va falloir prendre des distances de façon feutrée avec Moscou. La rivalité avec la Chine, la nécessité de diversifier son complexe militaro-industriel l’oblige à se tourner vers d’autres pays, occident en tête. L’approche des élections générales de 2024 en Inde va enfin concentrer l’attention du gouvernement central sur les affaires internes plutôt qu’internationales. 



Côme Bastin

Mars 2022 :  publié dans la lettre des Forums France Inde de Mars 2022

L'Inde à l'épreuve de la crise ukrainienne.


Le grand public français a été très étonné de voir que l’Inde, la plus grande démocratie du monde, un pays humaniste, se soit abstenue lors du vote au Nations Unies appelant à condamner l’invasion russe en Ukraine. 

Pour comprendre ce qui s’est passé et les conséquences pour nous français et occidentaux, un entretien exclusif avec Christophe Jaffrelot * nous livre ses éléments de compréhension, remet sérieusement en cause nos idées reçues et dévoile de nouvelles grilles de lecture .

Une crise qui ouvre les yeux des Occidentaux


Il faut d’abord dissiper deux malentendus… 

• 1: L‘Inde apparaît encore comme portée à l’humanisme et à la  démocratie. C’est l’héritage du Mahatma Gandhi qui veut ça. Mais ce n’est plus là une grille de lecture pertinente à l’heure où le nationalisme hindou se traduit par l’exclusion, voire l’oppression des minorités et une montée de l’autoritarisme. 

• 2: L’Inde est aussi perçue comme pro-occidentale parce qu’elle est un partenaire stratégique de la France, de l’Europe et des Etats Unis dont elle s’est beaucoup rapprochée depuis 20 ans, mais en réalité elle reste très attachée au non-alignement né sous la guerre froide et qui visait à garder des relations équidistantes entre les blocs de l’Est et et de l’Ouest.


… et regarder l’histoire de l’Inde et de ses relations internationales pour comprendre sa position dans la crise ukrainienne… 

L’Union Soviétique a été très tôt un partenaire privilégié et beaucoup plus important que tout autre pays pour des raisons de realpolitik : ce partenariat faisait pendant au rapprochement entre les Etats-Unis et le Pakistan, son ennemi historique, rapprochement utilisé pour contrer le communisme en Asie, soviétique autant que chinois.  

Cette évolution connait un tournant majeur en 1971, lorsque l’Inde signe un traité d’amitié avec l’URSS.  

L’Inde a hérité de ce temps-là une forte dépendance vis-à-vis de la Russie 

• sur le plan diplomatique : l’URSS va mettre son véto au Conseil de sécurité chaque fois que la question du Cachemire sera évoquée et soulevée par le Pakistan ou par son allié américain ou chinois. 

• sur le plan militaire : l’Inde va trouver auprès de l’URSS sont principal fournisseur d’armement ! Même si l’Inde a cherché à diversifier son approvisionnement en armes, 65 à 70 % de son armement provient actuellement de la Russie.

• sur le plan des infrastructures à très long terme: l’Inde achètera à la Russie ses réacteurs nucléaires.

 

Conclusion : La collaboration et la coopération civile et militaire, de la formation des pilotes à la maintenance des matériels, ont créé des liens qui durent encore.


Il n’est donc pas surprenant que l’Inde se soit rangée du côté de l’URSS et maintenant la Russie et ait voté en sa faveur ou se soit abstenue au Conseil de sécurité. Si elle veut continuer à faire voler ses Sukhoïs alors qu’elle est menacée par le Pakistan et la Chine, elle a besoin de la Russie. Lorsque l’Afghanistan a été envahi par l'URSS en 1979, l'Inde s’était déjà abstenue de s'y opposer publiquement . 

L’Occident regarde l’Inde idéologique à travers un prisme déformant !


On croit que l’Inde est encore libérale, favorable au multilatéralisme  et donc proche de nous, mais les choses changent .


1 - L’Inde est traditionnellement souverainiste car peu encline à laisser les instances internationales comme l’ONU s’immiscer dans ses affaires intérieures. D’abord, elle est mécontente de la façon dont l’ONU l’a traitée dans le passé. Lorsque Nehru a porté la question du Cachemire devant le Conseil de sécurité, il ne s’attendait pas à ce qu’on lui demande d’organiser un référendum alors que l’Inde pensait que l’invasion pakistanaise serait sanctionnée immédiatement . L’Inde est ainsi devenue très sourcilleuse sur les questions d’ingérence, et ne veut qu’on s’occupe ni de ses affaires, ni des affaires des autres … 

Les explications du représentant de l’Inde lors du vote d’une résolution aux Nations Unies  "exigeant que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine" ne manque pas de paradoxe. Il déclarait, en substance “au nom de la souveraineté nationale… nous nous abstenons” … C’est bien le symptôme d’une conception souverainiste.


2 Deux nationalismes ethniques « La Grande Russie comme la Grande Inde ».  

Le mouvement nationaliste hindou définit les Etats nations non pas en fonction du droit international et des frontières, mais des identités nationales. D’où un parallèle entre la Grande Russie avec Kiev comme berceau de religion orthodoxe et la Grande Inde Hindoue (Akhand Bharat) qui inclut le Pakistan, le Bangladesh, le Népal….  De même qu’il est légitime que la Russie remette la main sur les territoires liés aux identités historiques, il est tout aussi légitime que l’Inde remette la main sur ses voisins.


Les effets de cette crise sur l’Inde dépendront en partie de l’évolution du conflit…


Si l’Inde s’obstine à ne pas condamner la Russie alors que la guerre débouche sur une tragédie humanitaire et/ou la chute du régime ukrainien, si elle contribue aux actes de désinformation, si elle affaiblit la politique des sanctions en achetant du pétrole russe, les Occidentaux risquent de perdre confiance en elle.

 

D’un autre côté, les Occidentaux ont besoin de l’Inde face à la Chine - et souhaitent lui vendre des armes, des réacteurs nucléaires … Jusqu’à présent, d’ailleurs, on a fermé les yeux sur tout ce qu’elle faisait autour des entraves aux droits de l’homme. 

Mais ce calcul perdra de sa pertinence si la crise de l’économie indienne- déjà profonde – s’aggrave encore suite à l’augmentation du prix des hydrocarbures qu’elle importe presqu’entièrement.


L’image de l’Inde est en train de changer en Occident…

Elle avait commencé à changer suite aux exactions contre les minorités et la montée de l’autoritarisme politique. Mais le fait qu’elle soit une des amies de la Russie tout en restant proche de l’Occident est très mal vu à Washington. 


Mais l’attitude de la Chine pourrait remettre les compteurs à zéro 

L’Inde pourrait choisir le camp de l’Occident et changer de pied en fonction de la position de la Chine. 

Si celle-ci, profitant de la confusion actuelle ambiante se révélait plus menaçante et relançait son expansion dans l’Himalaya à ses dépens, l’Inde se sentirait si vulnérable qu’elle serait amenée à revenir à des positions plus dures avec la Russie pour plaire vers l’Occident dont elle aurait besoin – surtout si, en parallèle, la Chine et la Russie se rapprochaient davantage encore, au point que la première livre des armes à la seconde. Il semble, en effet, que Moscou ait appelé Beijing au secours…  

 

Propos recueillis par  Jean Louis Lavergne Les Forums France Inde

Mars 2022 L'éditorial de l'Indian Express du 24 Mars  

"La position de l'Inde sur l'invasion de l'Ukraine est troublante"

titre l'Indian Express dans un édito de Christophe Jaffrelot et Jean-Thomas Martelli, un mois après le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie. 

L'Inde tend à renvoyer Kiev et Moscou dos à dos en oubliant totalement la résistance civile et diluant la responsabilité de l'agression russe. 


L'abstention de l'Inde. Une faute ! 

La tournure que prennent les événements ne manque pas de paradoxe. En effet, l'invasion militaire de l'État démocratique ukrainien par la Russie, malgré ses nombreuses condamnations internationales, a favorisé une certaine convergence de vues en Inde entre le gouvernement, l'opposition et diverses franges de l'intelligentsia. 

Dans ces trois groupes, l'argument selon lequel l'expansionnisme de l'OTAN est comparable à l'invasion russe, a trouvé une résonance commune

L'élargissement de l'adhésion à l’OTAN aux pays d'Europe centrale après la guerre froide a même été invoqué par S Jaishankar, ministre des Affaires extérieures, pour expliquer la crise actuelle. Cet argument a contribué à justifier l'attitude évasive de l'Inde qui s'est abstenue de condamner l'invasion russe de l'Ukraine au Conseil de sécurité de l'ONU.  Ce vote était certes cohérent avec les abstentions répétées de l'Inde au profit de l'Union soviétique puis de la Russie dans cette instance. De plus, la dépendance de longue date de l'Inde vis-à-vis de l'armement russe (y compris les systèmes de missiles de défense aérienne S-400 dont New Delhi a récemment fait l'acquisition ) doit également être prise en compte au moment où les tensions restent vives dans la région.

Par ailleurs, les promoteurs de l'Hindutva trouvent dans le conflit une occasion de valoriser leur vision du nationalisme ethnique. Hindu Sena, par exemple, a organisé une marche à Delhi le 6 mars pour dénoncer le prétendu «racisme» ukrainien et saluer la tentative de Poutine de recréer la «Russie Akhand». (Grande Russie) 

Cette aspiration à résister à l’Occident et en particulier à l’OTAN et ces tentatives pour justifier une annexion soi-disant « juste » des territoires ukrainiens abritant une importante population russophone, sont relayées par certaines chaines de télévision comme dans l'émission en prime time Daily News Analysis (DNA) de Zee News.  

Poutine n'y apparait pas seulement comme chef de guerre déterminé mais comme le leader mondial d'un mode de gouvernance viril, caractérisant ce que les universitaires appellent l'autoritarisme populiste.

Plus troublante encore est la position ambiguë de plusieurs partis d'opposition de gauche, qui trouvent des alibis à l'invasion russe, au motif que l'Ukraine pourrait être une «marionnette» de l'impérialisme américain. 

Dans la continuité de la ligne de pensée de Noam Chomsky, l'ingérence américaine aurait pris corps dans la révolution du Maïdan de 2014, un mouvement social qui a conduit à l'élection du président pro-européen Petro Porochenko. Le communiqué officiel du Communist Party of India ( Marxist) traditionnellement pro-chinois indique ainsi que "l'OTAN constituerait une menace directe pour la sécurité de la Russie" et D. Raja, le secrétaire général du Communist Party of India (historiquement pro-soviétique), a réagi en affirmant que la frontière russo-ukrainienne avait été forcée par «les tendances ‘expansionnistes américaines»

La thèse suivant laquelle "l’impérialisme occidental menacerait la Russie"  se fonde sur une lecture sélective de l'ordre postcolonial. L'expérience passée du colonialisme européen devrait nous conduire à condamner toutes les  atteintes au droit de peuples à disposer d'eux mêmes et la défense du droit international se traduire par un rejet de telles remises en cause de la souveraineté d'une nation indépendante - démocratique par surcroît.  

Au lieu de cela, beaucoup préfèrent voir dans le conflit une occasion de contrer l'appel démocratique européen en Ukraine en qualifiant l'Occident d'impérialiste, tandis qu'un véritable empire militaire - la Russie de Poutine - envahit, bombarde, tue et terrorise. 

En réduisant la guerre d'Ukraine à un conflit territorial entre deux formes  comparables d'impérialisme, les tenants de l'abstention occultent la résistance civile des Ukrainiens et relativisent la responsabilité russe de l'agression. Ils appellent ainsi à la passivité internationale et légitiment la lutte des « petites » nations pour la liberté.

Comme l'a indiqué l'historien Klaus Richter, certains États frontalièrs de la Russie n'ont pas été courtisés par l'Occident qui aurait fait leur siège pour qu'ils accèdent  à l'OTAN. Ces États ont cherché à en devenir membres pour se protéger de la Russie.

Parmi les agressions militaires récentes de la Russie, citons celles de l'Abkhasie et de la Crimée en 2014 - face auxquelles l'Inde avait déjà préféré s'abstenir de toute condamnation. Ces épisodes ont fait suite à des traumatismes plus anciens comme l'écrasement de la révolution hongroise en 1956, les famines «politiquement» organisées (Holodomor en Ukraine 1932-1933), les transferts de population depuis la Pologne  en 1939-1941 etc... 

Les demandes d'adhésion de la Géorgie et de la Moldavie à l'Union Européenne témoignent de mêmes aspirations à la sécurité. La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili déclarait d'ailleurs le 3 mars : "Vous pouvez essayer d'effrayer les pays, mais cela ne signifie pas que vous pouvez changer leur détermination à garder leur indépendance".

Certes, l'Ukraine n'est pas une « démocratie parfaite ».  Son mouvement nationaliste implique des éléments néo-nazis, tels que le régiment Azov de Marioupol.  Aujourd'hui, cependant, c'est le nationalisme exacerbé de l'État russe qui sous tend l'attaque d'un pays non belligérant. Poutine a affirmé dans son discours télévisé d'avant l'invasion que l'erreur historique de Staline n'était pas la "création d'un État clos centralisé et absolument unitaire", mais sa réticence à se débarrasser du vernis fédéral que Lénine (puis la Rada centrale en janvier 1918) avait introduit et qui avait servi de cadre constitutionnel à la sécession des anciennes républiques soviétiques en 1990-1991. 

Selon les écrivains Vladimir Sorokin et Catherine Belton, la volonté du président russe de restaurer des parties de cet empire contre la volonté de ses voisins est un sous-produit de la nostalgie tsariste-soviétique et de la culture du KGB dont Poutine est issu.

Tolérer ces attitudes coloniales et prédatrices en vertu du soi-disant expansionnisme de l'OTAN, est cruel et revient ignorer les aspirations des Ukrainiens à la souveraineté. 

Ce ne sont pas les troupes de l'OTAN ou les agents des intérêts occidentaux qui combattent l'occupation russe, mais des hommes et des femmes ordinaires animés par des aspirations bien légitimes à l'indépendance, des principes qui ont également été, à leur manière, au cœur de la longue lutte de l'Inde pour la liberté

Si la realpolitik prévaut aujourd'hui sur-déterminant la politique étrangère de l'Inde, New Delhi pourrait toutefois changer d'attitude sous l'effet de deux facteurs  raison de facteurs. 

Une forme équidistante de plurilatéralisme sera dès lors difficilement  tenable par New Delhi !

Christophe Jaffrelot et Jean Thomas Martelli

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Editorial  publié en anglais dans l'Indian Express © en Mars 2022 -  Tous droits réservés

Christophe Jaffrelot est un politiste spécialiste de l'Asie du Sud, professeur à Sciences Po et au King's College, membre du CERI, président de l'Association Française de Science Politique et membre de l'Académie des Sciences Morales et Politiques. Auteur de nombreux ouvrages sur l'Inde et le Pakistan.

Jean Thomas Martelli est un chercheur en science politique au Centre de Sciences Humaines  de New Delhi. Docteur en science politique ( King's college Londres ), ses recherches portent  sur le milieu universitaire en Inde et le devenir politique de l'Inde. Il travaille sur la question  du populisme à travers  l'analyse du contenu des discours de Narendra Modi. Il est basé en Inde à New Delhi.

Février 2022 : L'analyse pour l'Institut Montaigne 

Troisième volet de l'analyse de Christophe Jaffrelot 

 

Depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 Février dernier et l’attitude de l’Inde à l’ONU, l’Occident n’avait pas manqué d’être étonné de la position de l’Inde. 

Dans deux articles publiés dans notre site Les ForumsFrance Inde et dans l'Indian Express, Christophe Jaffrelot nous en avait expliqué les raisons: des malentendus idéologiques et une méconnaissance des relations politiques, historiques et économiques entre la Russie et l’Inde.

Cette posture de l’Inde que les dirigeants du monde occidental n’ont cessé de vouloir mettre de leur côté à en croire le ballet des présidents qui se sont succédé à Delhi, n’a guère changé et s’est même consolidée. 

Dans cette nouvelle publication pour l'Institut Montaigne, Christophe Jaffrelot  fait une nouvelle analyse - fine comme à l’accoutumée- et sait toujours capter le moindre signe ou déclaration, plonger dans l’histoire pour décrypter les situations et en sortir des lignes directrices éclairantes. Une belle occasion de prendre du recul et sortir du main stream médiatique.

Christophe Jaffrelot explique que,  prenant en référence la presse indienne, le conflit n’est d'une part pas au centre de la préoccupation des indiens et d'autre part il existe une sorte de consensus ambiant en Inde qui satisfait tout le monde, du moins en apparence, en développant en plus l’idée d’une Inde, grande puissance d’équilibre dans le désordre mondial ! 

 

En quelques idées-clés, que nous dit ce troisième article du politiste ?

 

 

Et Christophe Jaffrelot de conclure : « Les puissances occidentales  disposent de leviers puissants … pour faire évoluer l’Inde. Mais y recourront-elles, étant donné l’importance du pays dans leur quête d’un contre poids à la Chine ?

 

Vous trouverez cette intéressante et complète analyse dans la publication sur le site de l'Institut Montaigne.


Février 2022 : L'analyse pour l'Institut Montaigne ( suite) 

Quatrième volet 

Lire en Français l'article publié en anglais pour l'Institut Montaigne 


La position de l'Inde face au conflit ukrainien a été largement expliquée durant les premiers articles parus dans nos lettres périodiques et sur notre site web. L'auteur, Christophe Jaffrelot, répondait à nos interrogations et balayait ainsi notre étonnement face à cette position de l'Inde que nous imaginions très occidentale et proche de nous, à l'image de ce que pouvions exprimer à son égard.  

Mais les intérêts politiques et géopolitiques ont des secrets où l'émotion n'a guère de place...

L'article pour l'Institut Montaigne, co-écrit avec Aadil Sud, étudiant en sécurité internationale à Sciences Po, Ecole des affaires internationales, traite cette fois de l'interdépendance avec la Russie dans un domaine majeur : le militaire.  

Cet article, éminemment technique et très documenté, évalue la dépendance militaire de l'Inde vis-à-vis de la Russie, d'un point de vue qualitatif et quantitatif. Il passe en revue les types de matériels, d’équipement et de technologies acquis par l'Inde auprès des Russes et les conditions dans lesquelles se sont développées ces relations. 

Les détails très fouillés vont sans doute plus intéresser les chercheurs ou professionnels de ce monde très fermé, mais, espérons-le, éclairera aussi nos responsables et décideurs français sur le contexte quand nous vendrons des Rafales à l’Inde !

Que nous disent Christophe Jaffrelot et Aadil Sud…

Premièrement, confiance et interdépendance sont les deux mots clés dans ces relations Inde Russie sur le plan militaire. Pour preuve...

Un très fort pourcentage - 70 à 85%- des infrastructures militaires et des équipements  de l'armée indienne, terre , mer et air ont été achetés aux Russes. En terme économique, c'est énorme car rappelons que l'armée indienne est une des premières armées du monde avec près d'1 million et demi de militaires et un million de réservistes  (1)    

Cette interdépendance avec la Russie est née dès les années 60, à l'époque soviétique. Depuis,  les acquisitions de matériels se sont développées dans le cadre d'accords particulièrement préférentiels entre les deux pays dans la plupart des cas: cours avantageux en devise, conditions exceptionnelles de négociation, de paiement comme de prix. Ils ont été largement favorisés par les relations géopolitiques liées à la guerre froide ou aux conflits Indo-pakistanais .

La Russie a su donner une résonance particulière au « Make in India » du Premier Ministre en facilitant ( indigénisation) les transferts de savoir faire ou de fabrication sous licence et même en favorisant des développements communs de matériel militaire.

La confiance acquise Russie-Inde est solide si on en croit l'importance des transferts de technologies les plus sophistiquées déjà accordés à l'Inde.

Deuxièmement, des relations Inde Occident sur le plan militaire existent comme avec avec les USA ou la France, mais elles sont d'abord des relations "utilitaires" de type clients-fournisseurs. 

Les acquisitions d'armes occidentales ont toutefois été plus justifiées pour combler des lacunes technologiques ou par peur d’éventuelles  sanctions des USA que pour s'assurer de relations durables et profondes avec l'Occident. 

Les Occidentaux restent frileux voire réticents à transférer leurs technologies et permettre ainsi à l'Inde d'assurer ses propres développements et des fabrications sur le plan national. 

Il faut garder à l'esprit que l'Inde s'estime totalement souveraine, et en particulier vis à vis des occidentaux et que le secteur de la défense reste l'épine dorsale de cette souveraineté.

L’évolution de l’actualité, les embargos sur les ventes d’armes russes et les défaillances techniques de certains matériels russes vont  toutefois favoriser un rapprochement  et des importations de matériel occidental.    

C'est bien entre ces deux camps que se situent les enjeux actuels,  tout cela dans un contexte de non alignement et de la volonté du gouvernement Modi de favoriser un monde multipolaire dans lequel l'Inde pourrait jouer un rôle majeur demain.

Actuellement l'Inde essaie de ménager toutes les forces en présence, mais Christophe Jaffrelot a plusieurs fois écrit qu'elle ne pourra réitérer cet exercice d'équilibriste très longtemps.

(1) Nota : il faut souligner toutefois que l'Inde ne doit pas sa capacité nucléaire à la Russie. Elle est autonome sur ces technologies .

On se reportera avec intérêt à l'article original publié en anglais le 5 Juillet 2022

Cliquer ici :

https://www.institutmontaigne.org/en/blog/indian-military-dependence-russia

© Institut Montaigne 



Septembre 2022 L'analyse pour  l'Indian Express  - 

Cinquième volet : 

La question de l'autonomie alimentaire de l'Inde liée à la guerre en Ukraine 

La rupture des chaînes d'approvisionnement due à la guerre en Ukraine a des implications pour la sécurité alimentaire de l'Inde

 Selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, l'indice des prix alimentaires a augmenté de 30 % en 2021-22. La dernière fois qu'il avait augmenté dans une proportion similaire, c'était en 2010-2011. Ce phénomène a été l'un des facteurs qui ont conduit au printemps arabe.

Actuellement, au moment où la pandémie de Covid-19 avait déjà perturbé les chaînes d'approvisionnement alimentaire dans le monde en 2020, les tensions sont exacerbées par la guerre de Vladimir Poutine contre l' Ukraine : la Russie et l'Ukraine représentent 27 % du marché mondial du blé, 16 % cent pour le maïs, 23 pour cent pour l'orge et 53 pour cent pour le tournesol.En temps de paix, les ports de la mer Noire, désormais bloqués, représentent environ 95 % des exportations de céréales de l'Ukraine. Les chemins de fer auraient pu prendre le relais, et l'Ukraine dispose certainement d'un réseau ferroviaire assez exceptionnel. Malheureusement, l'écartement des voies ferrées construites par l'URSS en Ukraine n'est pas le même que dans les pays voisins. En conséquence, les wagons doivent être transférés un par un à la frontière.

Vingt-six pays, principalement d'Afrique, d'Asie occidentale et d'Asie, dépendent de la Russie et de l'Ukraine pour plus de 50 % de leurs importations de blé. 

L'Inde a voulu combler ce vide et, en avril 2022, le Premier ministre a déclaré que "l'Inde peut nourrir le monde si l'OMC le permet".

Cependant, à peine un mois plus tard, New Delhi a interdit les exportations de blé pour contrôler la hausse des prix intérieurs en raison des inquiétudes concernant la production en raison de la canicule et de l'incertitude concernant les réserves existantes en raison de la thésaurisation du secteur privé.

La spéculation une des principales raisons de la hausse des produits alimentaires

Ce n'est pas un phénomène nouveau. En 2009, l'Évaluation internationale des connaissances, des sciences et des technologies agricoles pour le développement (IAASTD), une initiative de la Banque mondiale, dans un rapport — L'agriculture à la croisée des chemins — a observé que la spéculation sur les produits agricoles sur les marchés à terme des produits de base était l'une des principales raisons pour la flambée des prix alimentaires. L'objectif initial des marchés à terme était que les agriculteurs pouvaient transférer le risque de prix - un contrat « futur » leur permettrait de vendre les produits au prix actuel mais pour une livraison dans le futur. Cela protégeait à la fois les vendeurs et les acheteurs contre toute hausse excessive des prix, par exemple celle causée par les aléas climatiques ou les conflits et la guerre. Il s'agissait d'un mécanisme visant à garantir que les moyens de subsistance et la survie des agriculteurs ne soient pas compromis. 

Cependant, l'arrivée de grands fonds de pension, de fonds spéculatifs et de banques d'investissement sur ces marchés a entraîné une spéculation excessive. Les marchés dérivés ont établi une référence pour les prix dans le monde réel, et c'est là que la spéculation excessive est devenue un problème. La logique des marchés a changé car l'évaluation des prix n'est pas dictée par l'offre-demande ou la qualité des marchés mais par les paris des grands acteurs financiers sur des prix plus élevés, ce qui conduit d'autres acteurs à spéculer également. Alors que les grands acteurs financiers parient sur les marchés à terme et provoquent la volatilité des prix, lorsque les prix alimentaires augmentent, ils mettent en danger la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde. et c'est là que la spéculation excessive est devenue un problème.

     Alors que les grands acteurs financiers parient sur les marchés à terme et provoquent la volatilité des prix, lorsque les prix alimentaires augmentent, ils mettent en danger la sécurité alimentaire de millions de personnes dans le monde. et c'est là que la spéculation excessive est devenue un problème. La logique des marchés a changé car l'évaluation des prix n'est pas dictée par l'offre-demande ou la qualité des marchés mais par les paris des grands acteurs financiers sur des prix plus élevés, ce qui conduit d'autres acteurs à spéculer également. 

Aucune leçon n'avait été tirée de la crise alimentaire de 2008

Une enquête de Lighthouse Reports, média à but non lucratif, conclut de ce phénomène qu'aucune leçon n'avait été tirée de la crise alimentaire de 2008. Elle rapporte que l'afflux de spéculateurs s'observe sur le marché parisien du blé meunier, référence pour Europe : la part des spéculateurs dans les contrats à terme sur le blé côté acheteur est passée de 23 % de l'intérêt ouvert en mai 2018 à 72 % en avril 2022.

 La part des spéculateurs dans les contrats à terme sur le blé côté acheteur est passée de 23 % de l'intérêt ouvert en mai 2018 à 72 % en avril 2022 !

Par conséquent, en avril 2022, « sept acheteurs de contrats à terme sur le blé sur 10 étaient des spéculateurs sous forme d'entreprises d'investissement, de fonds d'investissement, d'autres institutions financières et d'organismes commerciaux non-couvreurs dont le but était de profiter de la hausse des prix.

     En Inde, même si les protestations des agriculteurs qui durent depuis un an ont contraint le gouvernement Modi à abroger les tristement célèbres lois agricoles, le rôle croissant du secteur privé dans l'agriculture a accru le risque de spéculation. Pour 2022-2023, le gouvernement a déjà abaissé les estimations d'achat de blé à 19,5 millions de tonnes, soit une baisse de 50 % par rapport à l'année précédente et le plus bas depuis 13 ans. Le secrétaire à l'alimentation de l'Union, Sudhanshu Pandey, a déclaré que cette forte baisse était due à d'énormes achats par des acteurs privés. L'Inde a fait face à une situation similaire lors de la crise alimentaire mondiale de 2008, mais a réussi à traverser la tempête grâce aux réserves alimentaires de l'APMC.

Aujourd'hui, l' inflation alimentaire est une cause majeure de préoccupation pour la sécurité alimentaire en Inde. La baisse des revenus due à la pandémie a déjà augmenté les niveaux de faim en Inde - l'Inde se classe 101e sur 116 pays dans l' indice mondial de la faim 2021 . Selon le rapport Hunger Watch réalisé en février, 45 % des personnes interrogées ont déclaré avoir manqué de nourriture au cours du mois précédent. La situation pourrait être encore plus précaire maintenant en raison de la flambée des prix.

Alors, que faut-il faire ? 

Le gouvernement indien pourrait assurer plus de transparence sur les stocks alimentaires et réglementer le secteur privé. Pour cela, il est nécessaire de fixer des restrictions sur les réserves que le secteur privé peut détenir, car ils ont souvent tendance à accumuler des stocks alimentaires pour les revendre plus tard avec profit. Cela éviterait  l'opacité des réserves du secteur privé, qui alimente souvent la spéculation des grands acteurs financiers internationaux.

Sur le plan international, des plafonds de position pourraient être fixées aux spéculateurs. Cela nécessiterait un accord multilatéral, un sujet qui devrait être à l'ordre du jour de la prochaine réunion du G-20.


Christophe Jaffrelot est  politiste, directeur de recherche au CERI-Sciences Po/CNRS, Paris, professeur de politique et de sociologie indiennes au King's India Institute, Londres, et chercheur non résident au Carnegie Endowment for International Peace.

 Hemal Thakker est chercheur en politique de l'environnement avec une spécialisation en politique agricole et affaires africaines à l'École des affaires internationales de Paris, SciencesPo