Cinéma : "Toute un nuit sans savoir" de Payal Kapadia

J’ai vu pour vous « Toute Une Nuit Sans Savoir »  de Payal Kapadia

par Arnaud Mandagaran

"Toute Une Nuit Sans Savoir » ( A Night Of Knowing Nothing) est un long-métrage documentaire de Payal Kapadia que j'ai vu à la SCAM ( Société civile des Auteurs Multimédia) dont je suis membre. Le film a été primé et a reçu le Grand Prix du film documentaire au festival de Cannes 2021.

Un film magnifique qui a pour toile de fond l’histoire d’une révolte d’étudiants à l’Institut du film et de la Télévision le  FTII (Film and Television Institute of India)  – La Fémis indienne (École nationale supérieure des métiers de l'image et du son en France)  – suite à la nomination d’un directeur totalement ignorant du cinéma mais qui avait joué dans bon nombre de navets à trame religieuse. Sa méconnaissance totale de l’histoire du cinéma importait peu au Premier Ministre Narendra Modi qui l’avait nommé. Aux yeux de ce dernier, quiconque encense la religion hindoue doit être récompensé.

Les étudiants se mettent en grève avec occupation des locaux. Très vite, les autorités leur envoient des policiers spécialisés, les CRS de l’Inde. La répression est d’une brutalité inouïe et Payal Kapadia en témoigne.

Mais ce qui rend ce documentaire encore plus intense est la voix off féminine, la voix d’une étudiante qui pleure un amour perdu. Petit à petit on comprend la souffrance d’une séparation liée à la différence de caste.  Dans le petit livret qui accompagne le DVD de « Toute Une Nuit Sans Savoir » Payal Kapadia écrit : « En Inde, l’amour est souvent marqué par les différences de castes, de classes et de religion » 

Quant à l’image elle est composée d’archives d’origines très diverses: fêtes privées ou manifestations des protestataires, charges de police, cavalcades et coups de lathi … Le tour de force de la réalisatrice c’est que ces sources disparates s’unissent à merveille et forment une œuvre fluide et belle.

On pense immanquablement à Lautréamont : « Beau comme une rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie. » 

Résultat : «Œil d’Or » à Cannes 2021, meilleur documentaire de l’année.

Trois ans plus tard, Payal Kapadia est de retour à Cannes où son premier long métrage « All We Imagine as Light » a été retenu dans la sélection officielle. Ce n’était pas arrivé depuis trente ans qu’un film indien y figure... et ce n’est jamais arrivé à un film de la production pléthorique de Bollywood.

Il s’agit d’une chronique de la vie quotidienne de trois femmes à Mumbai : deux infirmières et une cuisinière. Un regard neuf sur la mégalopole, une ode à la sororité. Le jury a su en reconnaître l’excellence en lui décernant le Grand Prix du Festival 2024.

Si vous ne l‘avez pas encore vu, courrez-y vite, il est encore distribué en salles dans toute la France... Et attendons la suite car Payal Kapadia n’a que 38 ans.

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Arnaud Mandagaran est cinéaste